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Chapitre 1 de L’Affaire Seznec (du début de l’affaire au renvoi devant la Cour d’assises) Cliquez Ici
Chapitre 2 (Procès de Guillaume Seznec devant la Cour d’assises de Quimper en 1924, envoi au bagne de Guyane, libération et retour en France en 1947) Cliquez Ici
Chapitre 3 (Actions menées par le juge Hervé et Mme Bosser, requête en révision, mort de Guillaume Seznec le 13 février 1954) Cliquez Ici
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1976. L’Affaire Seznec tombe un peu en sommeil. Jeanne Seznec lance un appel qui ne rencontre guère d’écho.
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En mars 1976, René Trémon, un instituteur de Caudry (Nord) passionné par l’affaire, et Mme Bosser, toujours membre de la Ligue des droits de l’homme, demandent à Me Denis Langlois, avocat et ancien conseiller juridique de la Ligue des droits de l’homme, de se pencher sur le dossier en vue de déposer une nouvelle requête en révision. Militant, écrivain, auteur des "Dossiers noirs de la police et de la justice françaises", Me Langlois est davantage préoccupé par des affaires plus actuelles, il hésite.
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Cependant, après un échange de courriers, il accepte de consulter aux Archives nationales le dossier de l’affaire qui mesure 1 mètre 50 de hauteur. C’est la première fois qu’un avocat a la possibilité d’examiner l’ensemble de ce dossier.
Me Langlois y fait quelques découvertes troublantes. En particulier une note du Procureur de la République de Quimper en date du 7 décembre 1931 : "Seznec prétend qu’au cours de son arrestation il aurait été frappé. Cela explique peut-être qu’un oeil plus petit que l’autre ait été constaté sur sa photo anthropométrique."
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Autre découverte : une lettre adressée le 23 mars 1935 par le Greffier du Tribunal de Morlaix au Procureur de la République qui indique que l’un des exemplaires de la promesse de vente entre Quémeneur et Seznec n’a pas été déposé au greffe et n’a donc pas fait l’objet d’un procès-verbal détaillé.
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Au dos d’une publicité pour "L’Almanach du blé" de 1923 trouvée après sa disparition dans le bureau de Quémeneur, un essai d’imitation de la signature de Quémeneur et du mot "Landerneau". Ce document n’a jamais fait l’objet d’une expertise.
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Le 9 juin 1977, Me Denis Langlois dépose officiellement une requête en révision au nom de Jeanne Seznec. Il s’appuie pour cela sur cinq points principaux.
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Un élément suggéré par l’instituteur René Trémon : Les cheminots de la gare de Houdan affirment avoir vu arriver le 25 mai 1923 la voiture de Quémeneur et Seznec sans qu’aucun d’eux ne descende pour prendre le train. Mais, pour fixer cette date, ils se réfèrent à une gelée qui se serait produite la nuit précédente. Or, il apparaît qu’il n’a pas gelé à Houdan dans la nuit du 24 au 25 mai. Les archives de la Météorologie nationale établissent que le minimum a été de 4 degrés à la station voisine de Trappes.
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Deuxième point : les photos anthropométriques de Seznec prises en juillet 1923 le représentent avec l’oeil droit à moitié fermé, ce qui n’est pas sa physionomie habituelle. Or, un certain nombre de témoins, au Havre notamment, le décrivent avec un oeil droit plus petit que l’autre et même "clignotant". Il est évident qu’ils ont été influencés par les policiers qui leur ont présenté les photos anthropométriques de Seznec.
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Troisième point : l’existence du nommé Cherdy avec lequel Quémeneur aurait eu rendez-vous à Paris. Lors du procès, l’accusation a soutenu qu’il n’a jamais existé et que Seznec l’a inventé, ainsi que l’histoire de vente de voitures américaines, pour attirer Quémeneur dans un guet-apens et l’assassiner. Or, il apparaît à la lecture du dossier que la police était parfaitement au courant du trafic qui s’opérait à Paris et en province. Il est en tout cas certain qu’en 1926 (des bordereaux en font foi) la Sûreté générale connaissait l’existence du nommé Boudjema Gherdi, marchand de pièces détachées pour automobiles américaines, soupçonné d’être le fameux "Cherdy".
(Une copie de son acte de naissance a pu être obtenue auprès de la municipalité de Chebli en Algérie.)
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Quatrième point : l’imitation de la signature de Quémeneur et du mot Landerneau retrouvée dans le bureau de Quémeneur qui n’a jamais fait jusqu’ici l’objet d’une expertise.
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Cinquième point : Les déclarations du fils de l’inspecteur Pierre Bonny qui, dans un livre "Mon père, l’inspecteur Bonny" paru en 1975 aux éditions Robert Laffont, rapporte que son père, le jour même de son exécution, a confié au Docteur Paul, médecin légiste, qu’il regrettait d’avoir "envoyé au bagne un innocent". Certes, en juillet 1923, Bonny ne dirigeait pas l’enquête. Il n’était que le secrétaire du commissaire Vidal. Il pouvait cependant manipuler à sa guise les procès-verbaux, les pièces à conviction (notamment les faux), les sceaux et les tampons.
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"France-Soir", 30 juin 1977, article de Renaud Vincent.
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"La Voix du Nord", 28 juin 1977, article de Jean-Yves Nervet.
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"Le Figaro", 27 juin 1977.
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Lettre de Me Denis Langlois au Président de la République Valéry Giscard d’Estaing ( 26 août 1977).
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Libre-opinion de Denis Langlois parue dans "Le Monde" du 31 août 1977.
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Sur la radio Europe 1, en s’appuyant sur ces nouveaux éléments, Pierre Bellemare et Marcel Jullian décortiquent l’affaire pendant une quinzaine de jours. Denis Le Her, l’un des petits-fils de Seznec, participe à l’émission.
Un appel aux auditeurs est lancé. Peu de révélations, en raison du temps qui s’est écoulé. On reparle du cadavre sans tête découvert à Sion-les-Mines peu après la disparition de Quémeneur.
Une commerçante de Sancergues (Cher) affirme savoir que Pierre Quémeneur est mort accidentellement, suite à une dispute avec Gherdi. S’estimant responsable, Guillaume Seznec aurait alors transporté son cadavre dans une malle.
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Numéro spécial de "Paris-Jour" (journal aujourd’hui disparu), 1er trimestre 1978.
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La demande en révision franchit le barrage du parquet de Rennes. Un magistrat, M. Bessière, donne le feu vert et la requête est transmise à la Commission de révision des procès criminels qui doit transmettre au Ministre de la Justice un avis consultatif qu’il suit généralement.
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"L’Humanité", 13 janvier 1979.
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Mai 1981. François Mitterrand est élu président de la République et Robert Badinter nommé Ministre de la Justice. Me Denis Langlois, qui le connaît en tant que confrère avocat, lui envoie un courrier personnel.
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En 1982, la Commission des révisions rend sa décision. "Cette nouvelle requête, commence-t-elle, n’a pas le caractère fantaisiste des précédentes, l’avocat a procédé à un examen sérieux du dossier, ce à quoi ses prédécesseurs ne s’étaient pas astreints." Mais l’avis de la Commission est négatif sur tous les points. Elle estime qu’il n’y a pas matière à révision de la condamnation de Seznec.
Cependant, avant de prendre personnellement une décision, le Ministre Badinter demande à Me Langlois, dans une lettre du 2 mai 1982, s’il a des observations à formuler.
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Un expert en écriture Marcel Guislain procède à une expertise des faux reprochés à Guillaume Seznec et conclut que celui-ci n’en est pas l’auteur.
Il s’agit d’une expertise officieuse faite à partir de photocopies, cependant elle s’appuie sur des procédés nouveaux, notamment l’étude micrométrique du rapport des lettres entre elles.
En décembre 1984, Me Langlois verse au dossier le rapport de M. Guislain et demande une nouvelle expertise des faux. La décision tarde et Me Langlois multiplie les relances. Le 27 janvier 1988, il écrit à Albin Chalandon, le Ministre de la Justice.
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Le 4 mars 1988, le Ministre Chalandon lui annonce qu’il a décidé de faire procéder à l’expertise en écriture demandée. Deux experts, M.M. Roger Laufer et Pierre Faideau, sont désignés.
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Antenne 2 journal télévisé du 17...
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Mais, en juin 1989, ces experts concluent que Guillaume Seznec est bien l’auteur des faux.
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Entre-temps, en octobre 1988, Me Denis Langlois a publié aux éditions Plon un livre "L’Affaire Seznec" où il s’efforce d’être le plus objectif possible compte-tenu des éléments dont il a connaissance, exercice difficile puisqu’il est aussi l’avocat de la famille Seznec. En conclusion de son ouvrage, il définit l’erreur commise par la justice vis-à-vis de Guillaume Seznec : "Avoir envoyé à l’enfer du bagne un homme dont elle n’est pas parvenue à établir formellement la culpabilité et qui aurait donc dû être déclaré innocent".
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"Vie judiciaire", novembre 1988.
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Le manuscrit de départ atteignait les 700 pages, mais pour des raisons pratiques, 200 pages ont dû être supprimées, notamment des passages concernant la piste de Lormaye près de Houdan, la découverte du cadavre de Sion-les-Mines ou les déclarations de la commerçante de Sancergues.
En raison de vérifications incomplètes, mais surtout pour respecter le secret professionnel d’avocat, la thèse dite des "secrets de la famille Seznec" n’a pas non plus été abordée.
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Denis Le Her
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La requête en révision a été présentée au nom de Jeanne Seznec. Cependant celle-ci, âgée, est peu à peu relayée par son plus jeune fils Denis. Pendant un certain temps, l’un de ses autres fils, Bernard, essaie de participer lui aussi à la défense de la mémoire de son grand-père. Il prend notamment contact avec Me Langlois pour lui apporter des éléments nouveaux et lui confier sa thèse personnelle. Mais Denis Le Her, au caractère et aux talents médiatiques nettement plus affirmés, finit par exercer une sorte de monopole sur l’affaire Seznec. Il change d’ailleurs de nom. Après s’être fait appeler Denis Le Her-Seznec, il devient Denis Seznec.
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Plaque scellée au bagne de l’Ile Royale par Denis Le Her.
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Article de Jean-Denis Bredin, "Le Monde" du 1er juillet 1989.
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"Le Figaro", 24 novembre 1989.
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La nouvelle loi sur la révision des condamnations pénales.
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En juin 1988, deux propositions de loi sont déposées devant le Parlement : l’une par le député Michel Sapin et les membres du groupe socialiste à l’Assemblée nationale qui reprend un texte présenté en 1983 par Robert Badinter lorsqu’il était Ministre de la Justice, l’autre par Jacques Brunhes et le groupe communiste.
Ces deux propositions ont un objectif semblable : faciliter les demandes en révision, ne plus exiger des éléments nouveaux de nature à établir l’innocence du condamné, mais des faits nouveaux de nature à faire naître un doute sur sa culpabilité. La procédure envisagée est différente, cependant les deux propositions ont un autre point commun : elles s’appuient toutes deux sur une affaire survenue en 1946 dans le département de l’Indre, l’affaire Mis et Thiennot.
Le 26 décembre 1946, le garde-chasse Boistard, garde particulier d’un important industriel, M. Lebaudy (propriétaire des sucreries Lebaudy), disparaît. Quarante-huit heures plus tard, on retrouve son corps dans un étang de Mézières-en-Brenne. Il a été tué à coups de fusil. L’enquête se tourne exclusivement vers un groupe de chasseurs comprenant notamment Raymond Mis et Gabriel Thiennot. Après des interrogatoires "musclés" par la gendarmerie et la police, ces deux jeunes gens finissent par signer des aveux qu’ils rétractent devant le juge d’instruction.
Ils sont cependant condamnés en 1947 par la Cour d’Assises de l’Indre à 15 ans de travaux forcés. La décision est cassée à deux reprises, mais finalement la Cour d’Assises de Bordeaux confirme le verdict. Mis et Thiennot n’ont jamais cessé de clamer leur innocence, mais les demandes en révision présentées en leur faveur ont toutes été rejetées.)
En novembre 1988, lors du débat devant l’Assemblée nationale, cette affaire est largement évoquée aussi bien par les députés que par le Ministre de la Justice, Pierre Arpaillange.
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Le 29 novembre 1988, cette loi que l’on peut appeler "Loi Mis et Thiennot", si du moins on souhaite lui donner un nom, est votée. Cependant, peu à peu, Denis Le Her-Seznec s’en empare et réussit à l’imposer aux médias sous le nom de "Loi Seznec". (Le 12 juin 2014, cette loi a été modifiée par le Parlement.)
(Mis et Thiennot interviewés par les journalistes.)
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La loi est promulguée le 23 juin 1989. Le dossier de l’Affaire Seznec est à ce moment-là examiné par la Commission des révisions. Il reçoit le numéro 001 dans le cadre de la nouvelle procédure.
(Lettre adressée à Me Langlois le 15 décembre 1989.)
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Me Denis Langlois dépose le 25 janvier 1990 un mémoire complémentaire de 17 pages.
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Prix des Droits de l’Homme 1989
Le 5 octobre 1989, Denis Langlois obtient le 6e Prix littéraire des Droits de l’Homme pour son livre "L’Affaire Seznec". Ce prix lui est remis par le Président de l’Assemblée nationale qui est alors Laurent Fabius. Durant la cérémonie de remise qui a lieu à l’Hôtel de Lassay, Denis Langlois, dans son discours de remerciement, dépasse l’affaire Seznec pour parler des injustices récentes et actuelles.
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Remise du Prix des droits de l’homme 1989 : Denis Langlois, Mme Janine Alexandre-Debray (mère de Régis Debray) Présidente du jury, Pierre Bercis, Président de Nouveaux Droits de l’Homme et Laurent Fabius.
Remise par Laurent Fabius du Prix des Droits de l’Homme 1989. A gauche : Denis Seznec.
(Photo Ratimir Pavlovic).
"Politis", 26 octobre 1989.
"L’Impartial" (Suisse), 27 novembre 1989, article de Louis-Albert Zbinden.
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"Ouest-France", 6 novembre 1990.
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En juin 1990, Denis Seznec décide de changer d’avocat. Depuis un certain temps il existe entre lui et Me Denis Langlois un profond désaccord concernant notamment la stratégie à adopter pour parvenir à la révision du procès de Guillaume Seznec.
Denis Seznec privilégie une stratégie médiatique : faire parler de l’affaire et de lui-même, en tant que petit-fils de Seznec, pour faire pression sur les magistrats chargés de la procédure de révision. Provoquer l’émotion dans l’opinion publique en pensant qu’elle constituera un poids décisif. Lancer des appels signés par des personnalités politiques, juridiques, littéraires, artistiques, affirmant l’innocence de Seznec. Reconstituer à la télévision le procès de Quimper et faire voter les téléspectateurs sur l’innocence ou la culpabilité de Seznec.
Pour Me Denis Langlois, sans pour autant négliger les médias, il est préférable d’adopter une stratégie principalement judiciaire. Etre rigoureux dans les éléments versés au dossier. Présenter aux magistrats des arguments solides répondant aux pièces du dossier qu’ils ont à leur disposition et peuvent vérifier. Considérer que les magistrats de la Cour de Cassation, arrivés au sommet de la hiérarchie judiciaire, sont peu sensibles aux pressions médiatiques et peuvent même être irrités par un trop grand appel à l’opinion publique.
"Le choix de la meilleure défense, c’est nous qui en décidons, déclare Denis Seznec. Comme c’est nous qui subirons les conséquences d’un éventuel échec."
Me Denis Langlois avait assuré gratuitement la défense des intérêts de la famille Seznec durant 14 ans.
Denis Seznec et sa famille choisissent comme nouveaux avocats Mes Jean-Denis Bredin et Yves Baudelot.
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Lettre adressée le 7 avril 1988 par Me Langlois à Marcel Jullian qui, avec Denis Seznec, avait l’intention de refaire à la télévision le procès Seznec avec appel au vote des téléspectateurs. (En 2010, Robert Hossein reprendra le projet au théâtre.)
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Appel publicitaire lancé par Denis Le Her-Seznec dans "Le Monde" du 26 juillet 1989.
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